mercredi 11 mars 2020

Bocas del Drago - Panama City : todo tiene fin


Je suis arrivé en vélo jusqu’au bout finalement, en entrant samedi en fin d’après-midi dans Panama City par le Pont des Amériques qui enjambe le canal. Un véritable choc. Tout ces gratte-ciels démesurés, après avoir vécu surtout dans les campagnes. Le monde occidental s’est rappelé à moi de manière abrupte mais fascinante sur le moment.






Un énorme flash avec le soleil couchant et une presque pleine lune comme en partant de Los Angeles. Des émotions à fleur de peau, surtout après 4 bières direct sur les berges du Pacifique avant de finir par rejoindre mon auberge à la tombée de la nuit.





A quelques mètres de celle-ci, en observant mon fidèle compagnon donner ses derniers tours de roues, je n’en revenais pas que tout se termine, là, comme ça, si soudainement J’avais envie de lui demander : ”mais qu’allons donc nous faire maintenant ?”

Olivier a bien une suggestion :


Nous aurons fait 8060 km, en 100 jours pile (même pas fait exprès, je devais arriver le lendemain), dont 29 de repos.

Je ne savais pas du tout quoi attendre du Panama et ne m’étais même pas posé la question. Je l’ai pris au fur et à mesure comme il se présentait. 


Sa traversée n’a pas été de tout repos finalement et j’y ai vécu pleins de choses contradictoires. Des rencontres uniques comme ce paresseux juste au bord de la route dans la jungle après avoir quitté Bocas del Toro (bien content d’avoir jamais filé un radis à ces grands racketteurs de Parcs Nationaux et tour-operators Costariciens !). Je précise, comme on me l’a souvent demandé, que la tâche qu’il a sur le dos ressemblant à une blessure est normale, tous les mâles l’ont. 



Des personnages un peu fous et délirants qui m’ont abordé lors de pauses ou dans les bars d’arrachés de la vie que je rejoignais irrémédiablement le soir après avoir posé ma tente entre deux camions chez les pompiers. Eux aussi me prenaient pour un fou de toutes façons alors on s’entendait bien à chaque fois. 





J'ai tout de suite été surpris en entrant dans le pays côté Caraïbes par l’état déplorable des routes et par des scènes de pauvreté, comme si une partie du pays était laissée pour compte, ce qui m’a suscité quelques interrogations en roulant :



Plus tard en allant chercher des infos, j’ai lu que le Panama était actuellement le quatorzième pays le plus inégalitaire du monde (coefficient de Gini, le premier étant l’Afrique du Sud, la France en position 123 sur 160). 

J’ai gravi le col le plus raide du voyage sur une route détruite pour franchir en fin de journée la Cordillera Talamanca, fantastique moment de cyclisme sous un ciel menaçant, dans des paysages de jungle impressionnants. 



En traversant la Cordillera Talamanca j’ai ressenti des regards hostiles parfois. Des enfants m’ont jeté des cailloux, des bandes de chiens ne m’ont pas lâché, sous le regard impassible, voire souriant de leurs propriétaires. 


Vue sur le côté Pacifique depuis la Cordillera Talamanca :


J’ai adoré la plage de Las Lajas côté Pacifique, où je suis arrivé un peu par hasard après m’être baigné la veille dans l’Atlantique. J’aurais pu y scotcher des  jours si j’avais eu plus de temps.




J’ai fréquenté ici quelques conducteurs très agressifs, un peu plus que la moyenne, me coupant la route par exemple tout en me faisant un doigt d’honneur. Des commerçants pas sympas et pas aidants chez qui tout commence par « non j’ai pas », même quand tu demandes des rustines dans une boutique de vélo où des nouilles dans une épicerie alors qu’ils ont tout ça évidemment puisqu’ils finissent par te les sortir tout en essayant de se débarrasser de toi le plus vite possible. Des commerces (la plupart sont tenus par des chinois) où les mots bonjour merci au revoir n’existent pas. Ces attitudes négatives m’affectent souvent, en effet je trouve que les rapports avec les gens changent tout du voyage. 

Panneau humoristique au Panama :


Le final a été un peu rude, sur des routes de campagnes brûlées de soleil, sans air (36 degrés à l’ombre) mais magnifiques. Des crevaisons à répétition aussi pendant deux jours : une paille de fer que je n’arrivais pas à trouver malgré de nombreuses inspections poussées, rentrée en biseau là où j’avais fait coller un renfort au Nicaragua et pas suffisamment proéminente pour percer de suite la chambre à air mais efficace chaque 20 km sous les pressions répétées).


Des côtes démesurément raides et du vent turbulent l’avant-dernier jour en faisant un détour par un coin de montagne. Il a même fallu que j’en gravisse une en poussant le vélo de peur de me retrouver à l’arrêt sans avoir le temps de déclencher la pédale. 



Le Panama a l’air d’être comme ça... des contrastes criants. Une nature magnifique puis des coins sordides. Des gens durs ou adorables, pas de juste milieu. Dans la même journée, tout passe du tout au tout et j’ai ressenti une certaine attirance pour ce côte abrupt, sans concession.

A Panama City, paradis fiscal où s’exprime toute l’horreur économique de notre système, ces contrastes sont particulièrement gerbants. En quelques centaines de mètres on passe des buildings ostentatoires de banques véreuses à des quartiers juste à leurs pieds où les gens n’ont même pas d’eau courante. 


La photo qui suit, c’est un immeuble au-dessus de mon auberge, qui n’est absolument pas habité ; aucun appartement n’est loué, tout est éteint la nuit. Bernard, un ami d’ami qui habite ici et qui m’a gentiment aidé pour mon arrivée (j’avais un carton à vélo qui m’attendait à l’auberge, trop sympa !) me disait qu’il s’agissait simplement d’investissement, d’optimisation fiscale quoi, aussi nommé... blanchiment pour parler clair.


J'ai vu défiler pendant cette traversée tellement d'images intenses, de sensations vécues dans une même journée au travers du sport, des paysages et des rencontres. Un truc puissant à digérer et savourer. Quand je serai grand je veux habiter la maison en haut de la colline :


On a fait une équipe de guerriers avec ce vélo, tant la lutte au quotidien fut âpre contre tout ce qui fonctionne avec un moteur. Pour arriver au bout entier il faut un peu de chance et une attention exacerbée pendant des heures sur ce qu’il se passe devant, derrière et des deux côtés. Ça m’a parfois rappelé les ascensions en solo où le corps et l’esprit se mettent au diapason en éliminant tous les facteurs parasitants pour finir pour parvenir au sommet.

Je finis avec beaucoup de considérations très pessimistes sur la place que prend et que continuera à prendre la voiture dans nos vies. J’y reviendrai sûrement dans un post futur après avoir laissé reposer tout ça. Ce que je dirais vite fait pour résumer, c’est que l’homme n’évolue pas beaucoup dans sa vie depuis le moment où tout petit on lui offre une voiture miniature et qu’il se met à déclamer « vroum vroum » !

Voici un son dont je suis sûr de me souvenir toute ma vie, car il a marqué tout le voyage : celui des camions au frein moteur, qui ont finalement été de loin, malgré les deux qui ont voulu me tuer au Guatemala, les plus respectueux des conducteurs. La palme d’or de la conduite la plus agressive revient aux possesseurs de 4X4 style Toyota Hilux, que j’ai observé passer leur temps à mépriser les autres utilisateurs de la route.



Ce soir mercredi je serai dans l’avion, à très vite les amis ! 





samedi 29 février 2020

La Fortuna (Costa Rica) - Bocas del Drago (Panama) : pauses aux Caraïbes



Il m’aura fallu du temps pour voir la côte Caraïbes de l’Amérique Centrale. Un bref passage à Rio Dulce au Guatemala m’en avait juste fait apercevoir un bras qui rentrait dans les terres. 

Il y a plus dur comme endroit pour patienter et se reposer avant les 5 ou 6 jours de vélo restant pour arriver à Panama City, en faisant sûrement les 100 derniers kilomètres en bus, dommage mais apparement c’est trop dangereux. Je vais bien trouver des détours à faire par là pour que le compteur affiche quand même 8000 km au bout... quand on est con on est con. 

Je sais que de belles montagnes russes m’attendent pour rejoindre la côté Pacifique du Panama. J’ai franchi la frontière hier avec un accueil pas sympa de militaires qui m’ont soigneusement fait vider toutes mes sacoches. J’avais bien fait de me débarrasser de tout le camembert français que je trafique depuis le début de ce voyage. 
C’est par une route toute cabossée et des côtes et descentes particulièrement prononcées que j’ai fait mes premiers kilomètres ici et il me tarde de connaître la suite, jusqu’à rejoindre la panaméricaine, qui devrait être moins rigolote, plus plate et avec du traffic de camions.

J’ai pas trop accroché sur le Costa Rica, l’impression d’être l’otage d’un business bien ficelé d’une nature payante au prix fort ou interdite. Des commerçants et tenanciers d’auberges pas vraiment sympas, blasés par l’opulence de touristes et qui ne savent pas sourire. Le seul pays du voyage qui ne me donne pas du tout envie de revenir. J’ai eu l’impression me faire engueuler en permanence et que tout le monde faisait la tête, même les gens en vacances ! J’ai sûrement été mal habitué par la bonne humeur et gentillesse naturelle des Mexicains et Guatémaltèques. 

Comme partout, à l’occasion de pauses dans des villages hors des circuits touristiques, j’ai quand même passé de chouettes moments, comme cette fois où, parti lors d’un jour de repos faire une boucle par des pistes, j’ai réparé une crevaison dans le jardin d’une famille au moment où les enfants rentraient de l’école. 

J’écris ce post depuis l’île Colón de Bocas del Toro, où j’ai trouvé un coin tranquille surtout fréquenté par des petites familles panaméennes.

Bivouac dans le jardin de Paul à Boca del Drago :



Chouette moment au Costa Rica où je me suis accroché à deux cyclistes un jour de vent. On s’est fait une bonne heure à fond, la route a défilé toute seule, c’est la première fois que je roulais avec des gens et j’étais tout content. Quand nos chemins se sont séparés ils ont discuté vite fait mais c’était pas très chaleureux. Je me demande s’ils étaient pas vexés qu’un mec avec des sacoches et un short de plage tiennent le rythme, en prenant sa part de relais. Le sport c’est le sport



Pour finir d’arriver sur Puerto Limón, j’ai pris un bus sur cette section réputée infréquentable en vélo. Petite séquences de circulation avant ça :





Bronzage cycliste pour arriver à la plage :


Rencontres au Parc de Cahuita :











Un petit tour dans l’arrière pays de Cahuita au Costa Rica :









 Vélo en mode vacances :



En entrant au Panama :


Navigation énergique pour rejoindre Bocas del Toro :



Seconde rencontre de cyclistes locaux, les panaméens du club Buoks avec qui j’ai fini ma journée d’hier sur la petite route qui traverse l’île. Monstre sympas et qui aiment pas se faire doubler, alors j’ai pas fait podium :


Des dauphins à Boca del Drago :



Ambiance paisible et orageuse à Boca del Drago avant de reprendre la route :




Avec Joaquim et son totem en coquillages, la journée devrait bien se terminer avant de reprendre la route :





Et je suis là...


Mais aussi là quand on regarde depuis le départ, ça devrait le faire oui !







samedi 22 février 2020

León (Nicaragua) - La Fortuna (Costa Rica) : pura vida

Ici tout le monde dit "pura vida" à tort et à travers alors j'ai pris le pli



Sacré Olivier qui me gratifie d’un petit dessin régulièrement pour m’encourager. C’est vrai que mes sacoches maigrissent encore...


Me voici au Costa Rica depuis trois jours. En prenant par le nord la direction de la Mer des Caraïbes où je devrais arriver d’ici 2 ou 3 jours, tout a changé en quelques kilomètres. Des plaines arides du Nicaragua brûlé par le soleil (où il a pu faire jusqu’à 37 degrés), je suis passé à des paysages luxuriants faits de forêts et de pâturages humides. Il paraît qu’on surnomme ce pays la Suisse de l’Amérique Centrale. Concernant les prix et le type de tourisme (accès à la nature partout payant, au prix fort), j’ai tout de suite senti une certaine similitude !


En revanche, pour le moment le cyclisme est un régal. J’ai pu emprunter des pistes et petites routes très tranquilles en m’émerveillant des paysages sans tout le temps m’inquiéter de ce qui arrivait derrière. De plus, la conduite a l’air d’être plus respectueuse que depuis le Guatemala. Peut-être qu’ici, à la différence des pays précédents (je ne parle pas du Mexique), si tu tues un cycliste tu risque d’avoir quelques ennuis avec la justice. 

Les paysages me rappellent l’Ecosse, à la différence près que la pluie, fréquente, n’est pas glaciale et même parfaite pour se rafraîchir. 

Au Nicaragua, je me suis reposé à León et à Las Peñitas, une plage encore bien tranquille où se faire rouler dans les vagues m’a fait un bien immense. Dans les hostals du coin, j’ai rencontré pleins de «backpackers » super sympas. Souvent des gens qui voyagent plusieurs mois, parfois plus, qui généralement ont quitté leur boulot pour rompre avec leurs vies occidentales pressurisées. Merci à tous pour ces bons partages de vies, ces soirées à refaire le monde, votre gentillesse et bienveillance. 

J’ai notamment retrouvé par hasard Marie, alors que nous étions en contact depuis un petit moment sans trop savoir où l’un et l’autre se trouvait géographiquement. Tout ça pour s’apercevoir un jour que nous étions à 200 mètres l’un de l’autre. Une « vélo voyageuse» partie de San Francisco en mai dernier et qui doit arriver à Panama un peu après moi. Elle a un super blog et accompli un extraordinaire voyage :


Avec Giovanni son amoureux salvadorien, on a beaucoup parlé de son pays. J’y avais senti, sans y rester assez longtemps pour en tirer des conclusions, un pays avec une violence à fleur de peau, des rapports toujours suspicieux entre les gens, des armes omniprésentes dans le quotidien, des mafias faisant régner leurs lois, forçant beaucoup de monde à l’exil. Une police et une justice qui ne font pas dans le détail non plus. Tout cela m’a bien été confirmé par Giovanni. Pour résumer, le pays a connu il y a peu son premier jour sans homicide depuis des décennies et cela faisait la une de tous les journaux... En revanche, c’est un pays sûr en tant que touriste... à condition d’aimer être parqué dans des ghettos pour jeunesse américaine dorée comme j’ai pu l'expérimenter au village d’El Tunco sur la côte. 

En repartant de León au Nicaragua où je me suis reposé 4 jours, j’ai connu un sacré coup de mou. Une envie de rien, plus aucun plaisir à rouler sur ces routes dangereuses, sous un soleil de plomb, avec parfois des gens qui te hèlent comme une vache plutôt que de te dire bonjour et tout le monde qui klaxonne juste par réflexe. 

Finalement, après une autre journée de repos imprévue à Granada, où je n’avais pas prévu de passer non plus d’ailleurs (parfois l’itinéraire se décide dans le fossé au bénéfice d’un coup de tête, sans critères vraiment objectifs, c’est sûrement ça la liberté), puis le tour de l’île d’Ometepe où les petites routes m’ont réconcilié avec ma bicyclette, l’envie d’avancer est revenue. A présent, bien remonté pour finir sur les chapeaux de roue ! 

Je ne suis plus très loin de Panama où je dois arriver le 8 ou 9 mars. Quelque chose comme 1200 km, avec deux sections réputées infréquentables en vélo à cause du trafic, où je prendrai un bus. Dommage, l’une d’entre elle, c’est pour arriver à Panama City... moi qui me voyait franchir le pont en levant les bras sous les acclamations du public. 

J’ai donc le sentiment d’avoir un peu de temps devant moi et c’est très agréable. Presque je finirais par me croire en vacances ! Je suis curieux de voir la Mer des Caraïbes où je ferai ma prochaine pause...

La suite en  images... 

Las Peñitas au Nicaragua 







Le Nicaragua est très prisé des surfeurs 



Belle ligne droite ventée entre León et Granada 



Trop bousculé par le vent, comme un matin au Mexique où j’avais eu très peur, je prends cette fois le bus sur 15 km avant Managua. Le « chicken bus », surnommé ainsi pour sa couleur jaune mais aussi peut-être parce qu’on s’y sent comme dans un poulailler (d’élevage industriel), est un roman à lui seul. En rentrant de Paris, si le contrôleur du TGV me dit qu’il n’y a pas assez de place pour mon vélo démonté, je lui dis d’aller se faire voir au Nicaragua 



Renforcement de pneu chez le cordonnier 



Ça tangue pour rejoindre l’île d’Ometepe



Le volcan Concepcion sur l’île, paré d’un nuage matinal 



Premiers tours de roue au Costa Rica 





Accueil fantastique à Bijagua au Costa Rica par une famille qui tient un hôtel et qui me laisse camper gratuitement sous le préau devant les chambres ! Petit-déjeuner offert en prime, trop gentil. 



Journée inoubliable, le long de la Laguna de Arenal, pour arriver à La Fortuna d’où je publie cet article