dimanche 26 janvier 2020

Ciudad de Mexico - San Cristobal de las Casas (Mexique) : vélo de montagne


J’ai quitté la ville de Mexico après une bonne soirée de retrouvailles avec Chema (qui m’avait hébergé à Ensenada au tout début du voyage), ses amis, sa famille et Olivier. Le Mezcal et autres produits régionaux ont fait le reste. 



En matinée avant de prendre la route, j’ai parlé de mon voyage et de montagne à deux classes du collège franco-mexicain de Coyoacan où enseigne Alexandra. Des jeun’s hyper sympas, bourrés de questions, souvent très pragmatiques et techniques, curieux de savoir comment on peut voyager avec si peu d’affaires.


Après avoir passé un col à 3000 m pour quitter définitivement l’agglomération de Mexico, le climat a subitement changé en arrivant à Tepoztlán où régnait une atmosphère tropicale par rapport au plateau central du pays. J’ai vu au loin le volcan Popocatepelt en éruption. 



Dans une grande descente, une voiture se collait à moi sans jamais me doubler. En arrivant à l’endroit où nos chemins divergeaient, il m’a montré qu’il avait un vélo à l’arrière et qu’en fait il me protégeait des autres voitures. Encore la bienveillance mexicaine.

Entre Mexico et ici, San Cristobal de las Casas dans le Chiapas, je me suis mis en mode sportif, taillant vigoureusement la route, plus de 1100 km en 8 jours, via Oaxaca où je n’ai fait qu’une pause de la matinée et vu l’enorme ahuehuete qui veille sereinement sur le village de Tule. 





Après Cuautla et ses plaines au soleil assomant, apparaissent les premiers soubresauts de la Sierra Madre Orientale. On la traverse jusqu’au Pacifique, sur un relief tourmenté, les montées et descentes se succèdent à un rythme agréable et une bonne inclinaison, avec en général peu de trafic. C’est un peu ce que j’étais venu chercher en priorité et que je n’avais pas encore vraiment trouvé. 




Des journées de pur plaisir dans des paysages où des essences encore jamais vues ou senties apparaissent peu à peu. Des nouveaux chants d’oiseaux aussi. Des échoppes de jus tropicaux au bord de la route pour faire les pauses.






Beaucoup de cactus encore, différents de ceux de la Basse Californie. Des forêts de cigares, ou de verges selon l’imagination, rivalisant de puissance et d’exubérance.



Dans ces paysages que j’aime plus particulièrement en fin d’après-midi, un moment où j’ai souvent un regain de forme calé sur les belles lumières, je me dis que ça ne m’étonne pas que des gens restent scotchés au Mexique. La nature a un pouvoir d’attraction différent des sensations que je connais dans nos montagnes et campagnes.

Au village de Tehuitzingo où je me suis arrêté un soir, j’ai fait mon exercice préféré, acheter une bière à l’épicerie et la boire devant où il y a souvent une table ou une chaise pour s’installer. Généralement il arrive rapidement quelqu’un pour discuter. La tête des gens quand je leur dis d’où je suis parti et où je vais me fais marrer car c’est toujours un peu la même mimique d’étonnement presque désabusé. Assez vite en principe on me demande si c’est pour un pari avec quelqu’un et aussi parfois si je suis armé en cas d’attaque.


Ce soir là, après plusieurs tournées, j’ai fini invité au resto par la famille de l’épicerie. Braulio le fiston a hérité de mon casque lors d’une nouvelle opération de délestage. 



J’ai remplacé mon écarteur de danger, après m’être rendu compte en le laissant replié quelques jours que ça ne changeait pas grand chose, par un gilet jaune qui englobe mon bagage arrière et améliore bien ma visibilité. Je me suis dis aussi que ça ferait plaisir à notre roi de France. Au final, concernant la sécurité, je trouve que le plus important est le rétroviseur qui permet de toujours voir comment ça anticipe ou pas derrière et d’agir en fonction. 


Après Oaxaca commence la route du Mezcal. On trouve tout le long des familles de producteurs. Entre alcoolisme et sport il a fallu choisir mais je me suis quand même arrêté pour faire une petite provision pour les soirées. 


L’agave, qui doit avoir 7 ans minimum, est d’abord cuite, puis pressée sous une meule entraînée par un cheval, puis fermentée et distillée.






Sur le chemin, j’ai rencontré Toby de Manchester qui file aussi vers Panama. On devrait se revoir assez vite car on est un peu dans les mêmes échéances de dates. 


En arrivant près de la côte Pacifique, je suis passé de l’extase à la lutte pour la vie en quelques minutes. A cet endroit où le Mexique ne fait plus que 200 km de large, les vents de l’Atlantique s’engouffrent en direction du Pacifique dans un couloir étroit entre deux chaînes de montagnes. 


Dès la sortie de Tehuantepec, je me suis retrouvé sur un ligne droite de 30 km où les conducteurs faisaient n’importe quoi pendant que je luttais sur l’étroit bas-côté pour ne pas tomber avec des rafales de travers à 80 km/h et là chaussée qui, suite à un tremblement de terre, présentaient des failles dans le sens de la route et de la largeur de mes pneus. En arrivant éreinté et terrorisé à Juchitán, j’ai trouvé que ce coin respirait la folie, des myriades de rickshaws tous plus agressifs les uns que les autres, une effervescence dont j’avais du mal à définir si elle portait quelque chose de positif ou de carrément néfaste.
Comme si le vent rendait un peu tout le monde timbré. D’ailleurs ici les noms de villages finissent souvent en “tépec” et les vaches aussi marchent sur la tête. 


Ce soir-là j’ai posé ma tente chez les pompiers où les cyclistes ont l’habitude de s’arrêter pour demander l’hospitalité. Le lendemain, il a fallu se rejeter dans la gueule du loup en passant la bien nommée Ventosa.



Un très mauvais moment encore mais heureusement 20 km plus loin j’étais  sorti d’affaire. 



Après la traversée des champs de manguiers à l’altitude 0, j’ai rejoint la région du Chiapas par une belle montée pour en franchir le premier verrou puis des plateaux s’incurvant  peu à peu sur la cuvette de Tuxla et son éprouvante traversée par le périphérique. 



La montée à San Cristobal de Las Casas est étonnante, on part de 400 m dans une chaleur étouffante pour finir presque couvert à 2200 m, en suivant 40 km de route à flanc d’une montagne, tout droit dans la même direction. Il y avait trop de circulation, j’aurais du prendre le temps de passer par la vieille route. 



Depuis, je suis posé à San Cristobal qui garde toujours les voyageurs plus longtemps que prévu paraît-il. On trouve dans cette ville un mélange de populations déconcertant, entre les boites de nuits ultra-sélect et les gens qui descendent des montagnes vendre leur production.
Il y a de l’expression et de la vie dans ce centre blotti sur lui-même comme souvent dans les régions de montagne.











On sent la lutte zapatiste très présente, avec des enjeux de survie. Ici la nature semble incroyablement généreuse. Elle attire les convoitises des prédateurs économiques ; les accords de libre-échange avec le Canada et les États Unis et leur lot de trahisons mettent en péril l’équilibre local. Hier soir, Omar un cycliste d’ici nous expliquait un peu les codes. De nombreux villages vivent comme ils l’entendent, hors de la mondialisation et les réactions aux intrusions non souhaitées peuvent être violentes.  

En 2018, deux cyclistes, allemand et polonais, qui se suivaient à quelques kilomètres ont été assassiné sur la route en sortant d’ici. Personne ne comprend ce qui a pu se passer et pour quel motif. Entre les témoignages de gens qui les ont vu, les endroits où ont été retrouvés les corps et les vélos, rien n’est logique. Depuis, Omar et ses amis ont mis en place tout un réseau, une liste Whattaps et un site pour prendre soin des cyclistes dans la région et plus largement au Mexique. 

J’ai retrouvé chez Omar quelques cyclistes, deux belges, une irlandaise et deux argentins qui descendent vers chez eux munis d’un accordéon et d’un vidéo-projecteur pour vivre au fur et à mesure de leur spectacle musical, artistique et poétique. 



Tous se demandent par où continuer car les manières de rentrer au Guatemala sont nombreuses et toutes intéressantes. Demain j’ai prévu d’avancer mais je ne sais pas encore par où. Comme si le Mexique me retenait encore. Tout passe tellement vite depuis quelques temps. Il me reste 40 jours jusqu’à Panama City et mon vol de retour le 10 mars. Tout le monde ne parle que d’endroits super à tous les coins de chaque pays alors il va falloir choisir et comme dirait l’autre, choisir c’est renoncer. 







mercredi 15 janvier 2020

Queretaro - CDMX (Ciudad de Mexico) : à la capitale

Je ne comptais pas passer par la capitale, y entrer en vélo me faisait un peu peur, mais l’invitation d’Olivier et Alexandra qui vivent ici était une opportunité immanquable. La dernière fois que j’avais vu Olivier, en 2013, nous étions encordés dans la face nord du Piton Carré. Il est tombé sur mon blog de voyage et m’a gentiment contacté. Olivier est artiste-peintre, prof d’arts plastiques et acteur-créateur-scénariste de la troupe “Teatro Entre 2” que j’ai d’ailleurs pu voir jouer dès mon arrivée. 


Ce matin, il me racontait une de ses itinérances dans les Pyrénées, marchant sans carte là où son inspiration le menait, muni de son matériel d’aquarelle. Cette visite en peinture de la chaîne m’a rappelé que dans une autre vie il y a les montagnes. 



Olivier c’est aussi l’homme de ce blog sur lequel on tombe à chaque fois que l’on cherche des infos sur une voie un peu originale. Cet animal a gravi toutes les excentricités pyrénéennes :


Avant la grande ville (20 millions d’habitants), j’ai pu suivre, une fois n’est pas coutume mais c’était bref quand même, des routes de campagne tranquilles jusqu’à Tula. J’étais encore à plus de 100 km de Mexico que je voyais déjà son imposant nuage de pollution. 



Petite anecdote de cette journée : juste après un croisement, j’ai revu à 30 secondes près Darran et Melissa, un couple d’américains voyageant vers le sud avec un vieux Land Rover. Nous nous étions aperçu dans un camping au milieu de la Basse Californie, plusieurs semaines auparavant !

A Tula, capitale des Toltèques, puis à Teotihuacán, on commence à découvrir les premiers vestiges des civilisations préhispaniques, notamment les pyramides destinées aux sacrifices humains.





À San Sebastián de Xolalpa où je campais, c’était les fêtes de village. J’ai adoré ces deux soirées à l’ambiance familiales et festive avec encore et toujours la musique, la danse dans la rue et des feux d’artifice à toutes heures du jour et de la nuit. Dans l’église entièrement fleurie, il régnait une odeur divine. 







Je me suis débrouillé pour entrer dans CDMX un dimanche. En partant au plus tôt par l’autoroute et sa sacro-sainte bande d’arrêt d’urgence, ce que je redoutais s’est transformé en promenade de santé et c’est avec une certaine émotion que je suis entré en ville. 




Émotion amplifiée par le plaisir de passer les péages comme ci-dessous, je pense bien à chaque fois à Vinci et à ces gros bandits qui leur ont refilé la poule aux oeufs d’or. 




Une fois le périphérique vaincu, j’ai attrapé la Calzada de Guadalupe sur laquelle tous les dimanches se déroule ceci :



Une belle opportunité. J’étais heureux comme un chien fou de voir tous ces cyclistes et imaginais que j’allais taper la causette avec tout le monde, limite j’avais envie de faire la ola à la ville entière tel un président nouvellement élu, mais en fait mon vélo de voyageur n’a intéressé personne, les sportifs faisaient du sport et les autres ce qu’ils avaient à faire. 


Le niveau de pollution de la ville m’impressionne. Ici comme chez nous, les boulevards et périphériques sont saturés de gens seuls dans leur voiture, le plus souvent pour déplacements courts comme au cœur de toutes les grandes villes. Mais les vélos commencent à prendre la place, on sent une belle énergie, il y beaucoup de voies réservées aux cyclistes, les voitures font attention, on trouve plein de magasins et aussi des stations de loc style v.lib. Quand on prend le métro, il y a parfois des parkings à vélos à l’intérieur surveillés toute la journée.


Après encore des efforts d’allégement de mon matériel (si ça se trouve je vais finir tout nu sur mon vélo au Panama), j’ai passé 3 jours à visiter les endroits classiques de la ville, le centre historique, le musée Frida Kahlo, celui d’anthropologie où je suis resté scotché par le niveau artistique de l’époque préhispanique, les quartiers populaires que j’affectionne plus particulièrement et aussi la maison de Trotsky où il a été assassiné avec un piolet durant son exil ici. 




















Et là, ça va pas tarder à être le départ vers Oaxaca et le sud-est. Il me tarde un peu plus de nature, la montagne qui va peu à peu côtoyer la jungle. Je comptais emprunter au début le Paso Cortés entre les volcans Popocátepelt et Iztaccihuati mais le Popo fait des siennes apparement et c’est dur d’avoir des infos sur l’ouverture de la route.


A bientôt, ce voyage continue à être très « chido » et « padre » et « chingón » et « simon » comme disent les mexicains à tout bout de champ.