lundi 9 décembre 2019

San Quintin - Guerrero Negro (Mexico) : dans la vie il y a des cactus

Jour de repos à Guerrero Negro, nommé ainsi en 1957 après que le bateau américain “Black Warrior” ait coulé près des côtes. Presque tout le monde y vit du sel. Les locaux disent que cette ville en est la plus grosse exportatrice mondiale. Les baleines grises passent aussi au large, où des excursions permettent de les observer, mais il est encore un peu tôt en saison.




Ici c’est altitude 0 et grandes étendues plates à perte de vue. Pour finir d’arriver j’ai suivi la même ligne droite sur plus de 50 km. 



Avant-hier soir, j’ai quitté la route principale pour rejoindre par une piste la « Playa Esmeralda » où vit Saul et sa famille. Ils sont pêcheurs et accueillent avec bienveillance pour 5 € les voyageurs cherchant à poser une tente ou un duvet à trois enjambées du Pacifique. Pour trouver ambiance plus reposante, il va falloir chercher.





Il y avait des pélicans évoluant en inquiétantes escadrilles qui soudainement plongeaient tête première sur les bancs de poissons.



Un autre habitant, descendant des tarahumaras, courre et médite chaque matin à la première heure. Il m’a parlé de ces étranges lueurs dans le ciel qu’il avait pu observer au large à deux reprises près de l’île en face. Assurément des ovnis d’après lui, le coin serait propice à ce qu’ils s’y rechargent en énergie. 



Saul m’a spontanément proposer le prêt de sa maison à Guerrero Negro pour cette journée de repos. Depuis j’y suis et toute la famille semble avoir migré ici petit à petit ; les visites sont continues et nous passons notre temps à manger du poisson. Hier soir c’était cabillaud, cet aprem langoustes, une hallucination papillaire, ce soir soupe de crabe, de quoi devenir insatiable.

Pour finir, Samuel, un des frères, m’a offert des cristaux de sel et surtout une dent de requin Mégalodon, espèce disparue depuis plus d’1,5 millions d’années. Je suis touché. Merci tout le monde pour votre gentillesse. 


Avant tout ça, j’ai quitté El Rosario, dernière bourgade après San Quintin, avec un peu d’autonomie en nourriture et eau, ne sachant pas trop ce que j’allais trouvé sur les 400 km qui mènent ici. Les premiers cactus sont vite apparus puis ils n’ont fait que grandir ensuite, faisant parfois plus de 10 m de haut, de toutes variétés. Le coin s’appelle « Valle de los Cirios », signifiant « cierges ». De ce que j’ai compris c’est ici qu’on trouve les plus grandes espèces au monde.





Rouler plusieurs jours, sans couverture téléphone, dans ces paysages si différents de ce que nous connaissons, tantôt enchanteurs, reliefs granitiques ensoleillés couverts de « cirios » rivalisant d’extravagance, tantôt plateaux arides à perte de vue, sombres, désolés, presque inquiétants, est une nourriture pour l’esprit. Plaisirs du sport et de la contemplation mêlés, j’ai remarqué que la plupart de temps je ne pensais plus à rien. C’est très reposant. 





Le premier soir, au moment où je commençais à regarder pour trouver un coin où mettre ma tente, je suis tombé sur Alexandra et Pierre qui en étaient au même point. Ce sont les premiers cyclistes voyageurs que je voyais. Nous avons bivouaqué ensemble dans un coin où il ne manquait que Lucky Luke. Ils venaient de voir une tarentule sur la route. Pas de chance, avant que je n’arrive un camion a surgit et paf... la tarentule ! En mangeant et discutant, Alexandra mettait quand même régulièrement et à juste titre des petits coups de frontale au sol pour voir si une espèce locale ne s’invitait pas.





Pas de quoi fouetter un serpent corail tout de même en comparaison avec la vie parmi les ours du début de leur voyage en juin dernier en Alaska et au Canada. De ce qu’ils racontaient, je crois que j’aurais eu trop peur tout seul dans la forêt là-bas. 

Le lendemain nous avons roulé ensemble une bonne partie de la journée, puis avec leurs VTT ils continuaient en « off-roads » alors que je suivais la route asphaltée. Merci à tous les deux pour votre compagnie plus qu’agréable et riche d‘expériences, bonne route jusqu’à Panama ! 





Sur cette portion de la Baja California, la plus sauvage de ce que j’ai compris, on trouve en gros une épicerie ou de quoi se restaurer à peu près tous les 60 km. Des coins où l’essence se vend en bidon, l’électricité se fabrique au groupe électrogène et l’eau se transporte depuis loin. Un petit côté desesperado parfois. 




En calculant un peu ça permettait de se ravitailler dans l’aprem pour avoir de quoi manger au bivouac et à boire pour la soirée puis un bout de route du lendemain. Il y a une recette que j’ai vite adoptée pour être sûr à toute heure du jour et de la nuit de ne jamais céder à l’hypoglycémie : tortilla et peanut butter. Plus compact et nourrissant tu meurs, avec ça dans tes sacoches, si tu vas au bout du monde, t’es sûr d’arriver. 



Le jour tombant tôt (à 17h c’est nuit noire mais on vient de gagner un fuseau horaire donc maintenant c’est 18h, beaucoup mieux), le bivouac solitaire, planqué de la route autant que possible n’a pas été le meilleur moment du voyage jusqu’à présent. Soirée un peu longuette, je dois devenir froussard, pas envie de recevoir de la visite au milieu de nulle part. Ceci dit j’ai très bien dormi et rêvé que je me mettais à faire de la moto car c’était devenu une activité sans aucun risque. 



J’ai été impressionné par la rosée nocturne, pas étonnant qu’ils poussent si haut ces cactus, la nuit c’est au moins aussi humide que le Béarn ce désert ! 

Demain, je profite du vélo qui fonctionne comme une horloge et du petit coup de neuf que je lui ai mis aujourd’hui pour rouler jusqu’à San Ignacio et ainsi peu à peu rejoindre les côtes du Golfe de Californie qui semblent merveilleuses. Ça commence  par une ligne droite de 80 km et après un virage à droite pour changer de cap, une autre ligne droite de 50 km ! Je vais essayer de pas m’endormir au volant. 

En me baladant en ville je suis tombé sur cette définition de l’amour. Vous avez deux heures. 



Gracias Saul y familia. Un abrazo grande.